vendredi 28 octobre 2016

Octobre

Parc de Mon Repos, Lausanne, Suisse




Dans le vent du soir
Tapis de feuilles dorées
Octobre s'étiole




Parc de Mon Repos, Lausanne, Suisse




Je m'absente quelques jours. A bientôt! (Mais je vous surveille à distance parce que je vous aime bien) :-)




Dédé © Octobre 2016 

vendredi 21 octobre 2016

Alpinistes de l'extrême

Piz Palü, face nord, Grisons, Suisse

La montagne a longtemps été perçue comme une résidence sacrée, lieu de rencontre entre la terre et le ciel : l’Olympe, l’Ararat, le Sinaï ont ainsi hanté l’imaginaire des peuples vivant à l’ombre de leurs contreforts. Puis, les sommets et leurs flancs abruptes sont devenus le refuge des moines et des ermites, voulant fuir les turpitudes terrestres et s’en extraire pour se rapprocher de l’essentiel. Saint François parlait à Frère Vent et Sœur Eau dans les rochers des Alpes de la Luna.


L’alpinisme est apparu bien plus tard comme une discipline de conquêtes et d’exploits sportifs : Mont-Blanc, Cervin, Everest, Cerro Torre et bien d’autres pics vertigineux, longtemps admirés depuis leur base ou de loin, ont vu leurs parois foulées par des hommes avides d’aventures et d’exploits. 


Les alpinistes parlent d’histoires qui n’appartiennent qu’à eux : l’effort immense, accablant à tous les instants ; le poids du corps qu’ils doivent hisser toujours plus haut jusqu’à ce sommet tant espéré en même temps qu’haï et surtout l’ivresse de la plénitude qui les envahit une fois planté le dernier coup de piolet.


Leur visage rayonne longtemps encore après ces ascensions dans lesquelles ils découvrent leur vérité profonde, ne s’exprimant que dans ces moments d’adversité où l’homme est minuscule face à la nature. Ils relatent inlassablement le déluge de neige et de pluie qui va plâtrer toutes les aspérités de la roche d’une carapace de glace rendant les voies presque impraticables et leurs rêves indomptables. 


Mais, face à tous ces actes de bravoure physique et d’aventures humaines incroyables, il y a les obstacles, sans doute moins solennels que l’ascension d’un sommet, qui parsèment notre existence et font notre quotidien. Ils sont la matière de ce que nous devons vaincre, jour après jour, pour continuer le périple. Parfois abruptes, paraissant infranchissables, d’autres fois plus doux mais tout aussi douloureux, ils demandent volonté et ténacité pour en venir à bout et permettre de respirer à nouveau à plein poumons, sans bonbonne d’oxygène. 


Au plus fort de l’adversité, j’ai toujours tourné le regard vers les montagnes en les parcourant de tous côtés, afin de vaincre les difficultés de la vie et naviguer dans mes tempêtes intérieures. 


Alors, faire halte là-haut ou naviguer sur la surface de la mer, parcourir des prairies ondoyantes ou planer dans les airs vivifiants, traverser un désert ou s’enfoncer dans une forêt silencieuse, devient un parcours initiatique permettant de relier le corps et l’esprit et de dénouer toutes les tensions de notre vie trépidante. La nature est là pour aider l’homme à recentrer ses énergies. 


Avec la volonté, l’énergie, le cœur et l’esprit il est possible de se lancer à l’assaut des sommets du bonheur.  



Nous sommes tous des alpinistes de l’extrême.


Massif du Mont-Rose, Valais, Suisse



Dédé © Octobre 2016

vendredi 14 octobre 2016

Là-haut

 Dolomites, Italie


Atteindre un sommet, c’est élargir son horizon, ouvrir les frontières de son esprit et de son cœur...


Passo Sasso Nero, Valle Maggia, Ticino, Suisse


...Puis s'évader des turbulences terrestres. 

Là-haut, nous sommes détachés du temps tandis qu'il s'écoule. 

Nous n'avons pas de futur.
 Nous avons tout notre temps.  




Dédé © Octobre 2016

vendredi 7 octobre 2016

Urgence

Cervin: En souvenir d'une belle journée


Lorsque nous sommes jeunes, nous nous comportons souvent comme des êtres immortels, sur lesquels le temps n’a aucune emprise. Les secondes et les minutes s’écoulent, joyeuses souvent, tristes parfois et les heures galopantes ne nous enserrent pas encore dans la condition d’être mortel. Cette sensation d’être une créature finie qui s’éteindra un jour n’est que lointaine. Elle flotte, éthérée, tout autour de nous, sans que nous puissions l’enfermer dans nos mains papillonnantes et nos âmes vagabondes. 

Et puis un jour, cette finitude nous rattrape d’un coup, sans que l’on s’y attende et nous étrangle avec force, comme pour nous empêcher de respirer et de reprendre nos esprits.
Quand cela se passe-t-il ? Quand est-ce que le labyrinthe du temps nous rend fou et nous fait perdre la direction du bonheur éternel ?

A force d’évoluer dans un monde que je considère souvent comme un univers de non-sens, où il devient de plus en plus difficile de se développer sans heurts, j’en viens à me dire qu’il y a urgence.

Il y a urgence de ne rien regretter, de s’échapper de ce carcan dans lequel on finit par tomber par conformisme, de tordre le cou à cette fainéantise qui nous ralentit sans cesse. 

La société qui nous entoure nous conduit sur des chemins de vitesse et de galopades insensées. Mais j’aspire, aujourd’hui, au silence, à la lenteur et à la volupté : ici ou là-bas, ailleurs et partout. Je n’ai plus l’envie de prouver qui je suis à tous ces autres, juste le désir d’être enfin moi-même. 

J’ai soif de poursuivre mes lectures afin de nourrir mon esprit, de tendre l’oreille à toutes les musiques, de poser mes yeux sur les montagnes et les mers. Je rêve encore de steppes lointaines, de villages colorés plongeant dans l’océan, de sommets infranchissables. Je brûle de me consumer à des soleils différents.

Voilà où est l’urgence, se prouver à soi-même qu’on existe et apprendre à respirer profondément dans ce monde où tout s’étiole, ceci avant que notre ombre ne recouvre l’entier du chemin et nous précipite dans le gouffre du néant. Il n’est pas question de mourir d’épuisement et de lassitude, de se laisser partir par désœuvrement quand on est déjà ouvert à tous les ravages. 

C’est le moment de rattraper le temps que nous avons laissé filer entre nos doigts gourds et qui nous rend triste parce qu’il est passé et qu’on n’a fait que le subir, sans le remplir de chansons et de murmures joyeux.

Si un jour je trébuche et que tout devient flou, j’espère que mes souvenirs colorieront mes journées.

Et toi, tu me serreras contre toi en me comptant toutes les bêtises que nous avons faites dans notre vie, afin que nos rires repoussent les affres du vide. Et nous continuerons, main dans la main, jusqu’où le monde s’arrête et où commence l’éternité.




Dédé © Octobre 2016

samedi 1 octobre 2016

Retour

Dents-du-Midi




Je ne serai pas revenue pour rien. 


Je contemple les sommets face à moi, d’un regard apaisé, pendant que l’astre du jour surgit, joyeux de retrouver le monde. 


La contrée que j’admire en cette heure matinale, c’est celle qui m’a vu naître, apprendre à marcher, dans laquelle je me suis forgé tant de souvenirs d’enfance. C’est celle où je réapparais toujours même après avoir parcouru des étendues lointaines et traversé les épreuves de l’existence. 


En fermant les yeux, je me souviens alors de cette place gigantesque dans ce pays éloigné, s’éveillant doucement aux lumières du matin, flanquée de bâtiments massifs, eux-mêmes surmontés de coupoles en céramique d’un bleu turquoise. Témoins d’un autre temps, ces bulbes majestueux avaient vu défiler des siècles durant des caravanes de marchands qui s’en allaient jusqu’en Chine pour y transporter épices, tissus et autres denrées sur une route trait d’union de tant de peuples différents. 


Puis je revois furtivement cette montagne pointue que j’ai mis des heures à gravir, la peur au ventre, le brouillard enserrant les falaises et m’empêchant de voir ce qui m’aurait sans doute donné le vertige. Encordée, je me suis raccrochée à ce mince filin en espérant que le sommet se rapprocherait quand soudain, le soleil a laissé entrevoir, dans une trouée de nuages, un spectacle grandiose de pierres altières. 


En tendant l’oreille, j'entends la caresse furtive du vent, sans doute le même qui transperçait avec force un fjord dans ce Nord que j’ai tant aimé parcourir, habitée du même enthousiasme que mon père, lui qui a toujours voulu atteindre les grands blocs de glace silencieux du bout du monde.


Les voyages ont façonné l’être que je suis aujourd’hui et ces souvenirs, parfois furtifs, d’autres fois plus présents, se gravent peu à peu sur les pages que j’écris, transformant à chaque fois ma vie et me faisant entrevoir d’autres mondes que celui devant lequel je me recueille ce jour. 


En ce début d’automne, l’air est d’une transparence extraordinaire et en plissant les yeux, on pourrait presque voir tous les détails de la roche. Devant la prodigieuse majesté de ces montagnes, l’anecdote du voyage devient inutile. Il n’y a qu’à lâcher prise devant ce spectacle pour se fondre dans les pierres et se réchauffer dans les rayons du soleil naissant. 


Ce monde m’envahit et comme une rivière, il m’aspire dans son creux. Pendant quelques furtives secondes, mon âme s’emplit de couleurs et de senteurs me transperçant de toutes parts. 


Non, je ne serai pas revenue pour rien. C’est mon voyage sans cesse renouvelé alors qu’en cet instant même, d’autres quittent tout pour fuir la folie humaine. 


Impermanence des choses et des êtres.  




Dédé © Octobre 2016